Marcel Pagnol, un autre regard
Marcel Pagnol a signé quelques-unes des plus belles pages de la littérature française. Écrivain, dramaturge, mémorialiste, essayiste, romancier, cinéaste, sa brillante carrière force l’admiration. Son œuvre nous amuse et nous émeut, mais se dévoile-t-elle à nous dans toutes ses subtilités ?
Karin Hann éclaire différemment l’ensemble de cette création artistique qu’il s’agisse des pièces de théâtre, des livres ou des films. Elle révèle ainsi ce que cache le rire, les relations qui lient les œuvres entre elles et les grands thèmes chers à l’écrivain.
Comment Pagnol voyait-il l’amour ? Quelle était sa vision des femmes ? Sa Provence existe-t-elle vraiment ? Quelle image a-t-il de son enfance ? Pourquoi est-il universel ?
Le langage de Pagnol se distingue par sa sobriété. Et s’il peut paraître spontané, son style est pourtant très travaillé : sa plume imagée est inimitable. Dans une approche thématique et accessible, étayée de nombreux exemples, l’auteur propose un autre regard sur cette œuvre singulière et inclassable qui défie le temps. Un livre original qui place l’univers de Marcel Pagnol sous une loupe. Une enquête qui se lit comme un roman !
L'auteur
En 1985, Karin Hann entre en Sorbonne pour y suivre un cursus de Lettres. Après un Deug et une licence, elle poursuit en maîtrise et entame un cycle de recherches littéraires. Son choix se porte sur Marcel Pagnol, un auteur atypique qu’elle a toujours aimé passionnément, malgré une prédilection manifeste pour les écrivains romantiques du XIXème. Elle parvient à imposer ce choix à une Université réticente qui considère Pagnol comme un amuseur régionaliste davantage que comme un écrivain méritant de figurer au Panthéon des grands auteurs.
Madeleine Ambrière, directrice de ses recherches – grande dix-neuviémiste - lui fait confiance et la soutient dans son entreprise. « L’amour dans l’œuvre de Pagnol » sera son sujet de maîtrise, suivi de « Humour et Poésie chez Pagnol » en D. E. A. et enfin « le style et ses figures, une idiosyncrasie pagnolienne » en doctorat. Elle obtient « mention très bien » en maîtrise et en DEA, ayant demandé la permission d’écrire une centaine de pages supplémentaires, portée par sa passion pour le sujet ! Pourtant, en 1994, alors qu’elle s’apprête à soutenir sa thèse, Patrick Poivre d’Arvor la choisit comme assistante sur ses émissions littéraires et, n’ayant jamais souhaité entrer dans l’enseignement, elle décide de suivre cette voie. Madeleine Ambrière le lui conseille d’ailleurs vivement, arguant du fait qu’elle pourra écrire un peu plus tard « un livre grand public » à partir de tous les travaux de recherches de sa thèse non soutenue.
Pour les quarante ans de la mort de Pagnol, ce livre voit enfin le jour.
Il est dédié avec un immense respect et une grande affection à Madeleine Ambrière, ce professeur extraordinaire, qui a cru en elle et soutenu sa motivation.
Madeleine Ambrière s'est éteinte le 11 juin 2014. Elle laisse un vide immense et le souvenir d'un être exceptionnel. Les gens qui l'ont connue gardent en eux cette richesse qu'elle leur a léguée. Elle a tracé le sillon de futurs chercheurs et ouvert la voie à de nombreuses vocations.
Karin Hann est membre du jury du Prix Marcel Pagnol organisé par Floryse Grimaud, remis chaque année au Fouquet's et qui récompense un roman sur l'enfance et/ou l'imaginaire de l'enfance.
Membres du jury du Prix Marcel Pagnol : Jacqueline Pagnol, Floryse Grimaud, Claude Pujade-Renaud, Xavier Houssin, Carole Tournay, Stéphanie Janicot, Karin Hann, Daniel Picouly, Guy Gofette et Azouz Begag.
Né en 1895, Marcel Pagnol commence sa carrière dans les années trente. L’activité théâtrale est intense à Paris, et pour cet Aubagnais ambitieux qui débarque un jour par le train en provenance de Marseille où il a grandi, l’avenir s’annonce prometteur. Après un demi échec avec Les Marchands de gloire, une pièce écrite en collaboration avec Paul Nivoix, Pagnol rencontre le succès en donnant Topaze. Sa carrière est lancée. Il ose exhumer une pièce qu’il avait écrite alors qu’il était pion à Condorcet : Marius qui marque le début de son amitié houleuse mais aussi celui d’une sublime collaboration artistique avec le grand Raimu. Il y a beaucoup de Pagnol dans l’histoire de ce jeune homme qui doit quitter son père pour accomplir son destin : Marcel a laissé Joseph à Marseille et la séparation fut douloureuse. Marius triomphe à son tour, ce qui encourage son auteur à écrire la suite, Fanny. Tandis que la pièce se joue au théâtre, Pagnol qui a les yeux tournés vers le cinéma vend les droits à la Paramount pour que la pièce devienne un film. Il participe activement au tournage aux côtés d’Alexandre Korda et fait ses débuts de metteur en scène (il deviendra par la suite réalisateur, monteur, scénariste, dialoguiste, producteur, distributeur, assumant tout, depuis l’idée du film jusqu’à la salle de cinéma dans laquelle il est projeté, ce qui est sans précédent -et ne se rencontrera plus jamais- dans toute l’histoire du cinéma !).
C’est là encore un triomphe, au point qu’après avoir lui-même tourné Fanny, il filmera directement César, le troisième volet de cette célébrissime trilogie. Dès lors, Pagnol vole de succès en succès. Il s’attaque aux œuvres de Giono qu’il met en scène lui même. Il y aura tout d’abord Jofroi, puis Angèle, Regain et enfin La femme du boulanger. On les appelle les « gionesques ». Entre temps, il tourne Le Schpountz avec Fernandel qui l’a accompagné dans cette aventure. Puis Pagnol filme La Fille du puisatier et commence La Prière aux étoiles. Les conditions difficiles (nous sommes pendant la seconde guerre mondiale) lui font abandonner le projet et détruire -hélas !- la pellicule. Après une adaptation d’une nouvelle de Zola, Naïs, puis un film qui connaît un échec, La Belle meunière, il tourne Manon des sources qui le réconcilie avec la gloire. Il filmera encore des nouvelles de Daudet, dont l’univers le sensibilise, mais délaissera le cinéma pour revenir à ses premières amours : l’écriture. Il écrira alors ce qui compte parmi les plus belles pages de la littérature française : les souvenirs d’enfance et l’Eau des collines. Le dramaturge qu’il était devient mémorialiste et romancier. Signalons qu’on lui doit aussi un essai historique, Le Masque de fer. *
Il meurt en 1974 des suites d’un cancer, non sans être auparavant devenu… immortel en entrant sous la coupole. Son œuvre que l’on avait faussement crue régionaliste fut traduite dans toutes les langues. Marcel Pagnol, l’un de nos plus grands écrivains, atteint l’universel.
* C’est cette théorie qui sera privilégiée dans Althéa ou la colère d’un roi de Karin Hann.