Reine des Lumières

1745 – Jeanne-Antoinette Le Normant d’Étiolles, née Poisson, accède officiellement au statut de favorite. Véritable révolution de palais, qui voit s’établir une femme de petite noblesse aux côtés de Louis XV. Les mauvaises langues parient d’ailleurs sur la brièveté de sa faveur. Or, grâce à son charme, à son intelligence, à sa jovialité et à sa bienveillance, celle qui est bientôt titrée marquise de Pompadour conquiert au contraire durablement le cœur du roi et devient, au-delà de l’alcôve, une éminence grise dont l’influence politique et artistique s’accroît inexorablement. Bâtisseuse infatigable, esprit éclairé, esthète cultivée et raffinée, elle est l’amie des philosophes, des hommes de lettres, des scientifiques, des peintres et des musiciens, qu’elle protège, pensionne et encourage.

Propos de l'auteur

Le destin de cette femme est sans équivalent : elle parvient à se maintenir dans le statut envié de favorite durant vingt ans grâce à... l’amitié du roi ! Après quelques années d’une liaison sincère, les amants terribles décident de mettre fin à leur romance, en conservant les liens indéfectibles qui les unissent. Pendant deux décennies, la marquise va régner aux côtés de Louis XV, devenant l’égale d’un ministre, ayant les prérogatives d’un ambassadeur. Intelligente, curieuse et lettrée, elle soutient avec ferveur les arts foisonnants de ce siècle en pleine mutation qui aboutira à la Révolution. Mais cette partie sanglante de l’histoire ne la concernera plus : la marquise décède prématurément en 1764, laissant l’image d’une femme raffinée et élégante, amoureuse d’architecture, modèle des plus grands peintres, amie des philosophes de L’Encyclopédie.
J’ai voulu faire revivre cette femme admirable, dans ses combats pour demeurer à la Cour et garder l’amitié du roi, dans ses enthousiasmes esthétiques qui la menèrent au mécénat, mais aussi dans ses aspects plus obscurs : celles des amitiés politiques et des amours clandestines ! J’ai retrouvé avec plaisir la marquise que je connaissais et me suis enthousiasmée de celle que j’ai découverte !

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Extrait

– Vous aurez toujours tort, ma chère, vous devrez pourtant en accepter l’idée, lâcha-t-il plus sérieusement.
– Si je parviens à acquérir toutes les manières et le phrasé des grandes dames de la Cour, il ne pourra plus m’être reproché d’employer des mots qui…
– C’est là où vous vous trompez lourdement sur les mœurs des courtisans et sur l’esprit français, madame !, coupa Voltaire. Le jour où vous montrerez, par cette éclatante victoire sur le verbe, que l’on peut devenir une aristocrate et être aussi bien éduquée en étant née Poisson qu’en ayant des quartiers, vous sous-entendrez que l’hérédité, si précieuse à la noblesse, peut être contournée ; vous prouverez à la face du monde qu’il y a une autre voie pour atteindre au sommet et que cette voie s’appelle l’éducation ! Nul ne saurait vous le pardonner en ce pays-ci !
Jeanne-Antoinette demeura interdite, figée par l’effarante démonstration de son ami.
– Insinueriez-vous donc que quoi que j’entreprenne…
– Vous resterez la bestiole, puisque tel est votre surnom à la Cour ! Une bestiole ravissante, intelligente, brillante, mais qui dérange fort justement pour tout cela. Il vous faut apprendre à passer outre ou vous serez vaincue.