Et si nous avions perdu les Lumières de ce siècle ?
Au fil du temps, de crise en crise, les politiques imposent normes et règles au nom de principes soi-disant scientifiques (dont on ne cesse cependant de déplorer la variabilité), sans forcément tenir compte de ce qui parait essentiel à toute forme de dialectique : ce que Descartes appelait le doute systématique.
Adieu, rigueur cartésienne.
Dans une société prétendue individualiste à l’extrême, le « bien commun » est sans cesse mis en avant pour culpabiliser voire ostraciser quiconque remettrait en cause la doxa ambiante.
Le cogito ergo sum (1) s’est mué en pareo ergo sum (2).
Ne pas adhérer à ces extravagances, est désigné comme un acte égoïste ou inconscient. Ainsi, en 2020, nos dirigeants ont affirmé qu’il ne fallait plus boire un café debout ni s’asseoir sur une plage sous peine d’être contaminé, exigeant dans le même temps que nous nous auto-autorisions à sortir. Le « citoyen vertueux », validant ces principes totalement irrationnels, a obéi à des décrets qui n’avaient rien à envier aux superstitions moyenâgeuses.
Durant plusieurs mois, la France a (heureusement) maintenu les écoles ouvertes tout en fermant les piscines tandis qu’à côté de nous, la Belgique appliquait exactement la politique inverse ! Mais les deux pays l’ordonnaient, bien sûr, au nom d’un « conseil scientifique ».
Tous les domaines concernés n’étaient hélas pas représentés dans ce haut-commissariat affecté au Covid qui a décidé de nos vies. Aucun psychiatre, par exemple, dans cette équipe alors que les ravages de l’enfermement allaient cruellement se faire sentir dans la population, auprès des adolescents notamment…
À présent, les scientifiques les plus raisonnables admettent que les mesures les moins coercitives ont finalement été celles qui, avec le lissage des chiffres, auront obtenu les meilleurs résultats (3).
La Chine, dans sa volonté apocalyptique de maîtrise absolue censée la mener au « zéro covid » fait face actuellement à plusieurs centaines de millions de contaminations faute d’immunité collective avec des dégâts irréversibles sur sa population.
Quand on effectue des recherches, on découvre que dans l’histoire de l’humanité, les épidémies ont une durée moyenne d’environ deux années, alors que jamais le moindre confinement n’ait été ordonné dans le monde, quelle que soit l’époque. Il y a eu, certes, des villes placées en quarantaine durant les épidémies de peste, mais le confinement est une mesure totalitaire inventée par la Chine pour l’arrivée du Sars-Cov 2 en 2019. Pas avant. Nous avons donc enfermé, pisté, tracé, masqué, vacciné… et nous attaquons l’an 3 du Covid, en affirmant – et cette fois probablement à juste titre -, qu’il nous faudra désormais simplement vivre avec…
On peut se détendre, alors ?
Nenni !
Nos peurs et nos inquiétudes sont désormais nourries par un nouveau fléau qui nous menace : la planète brûle !
Même rhétorique de la peur, mêmes injonctions surréalistes et mêmes mesures tout aussi hallucinantes, qui visent cette fois à enrayer le réchauffement climatique et réduire ce fameux effet de serre qui en serait à l’origine, alors que le GIEC expliquait il y a peu (4) avec le même sérieux que la part de responsabilité humaine dans ce phénomène était négligeable puisqu’il s’agissait de variations imputables aux grands cycles naturels de la Terre sur lesquels nous n’avons, évidemment, aucune prise. La grande prêtresse de l’écologie, une adolescente n’ayant bien sûr pas effectué le moindre cursus universitaire dans un domaine scientifique quelconque, affirmait avec conviction qu’il nous fallait renoncer au nucléaire sous peine de disparaître dans les années à venir. Elle tient, quelques années plus tard, le discours rigoureusement inverse et avec la même force ! Et toujours sous les vivats des mêmes !
Le plan de comm’ est identique. Le mantra « ça sauve des vies » est remplacé par « ça sauve la planète » et le « je me vaccine, je me teste, je m’isole » est devenu « je baisse, j’éteins, je décale. ». Et dans les deux cas, nous avons eu droit à un « nous sommes en guerre », bien sûr totalement inapproprié…
Abasourdis, les scientifiques, les vrais, ceux qui témoignent d’une rigueur implacable et d’une déontologie réelle, gardent à l’esprit que seule une expérience qui se répète dans les mêmes conditions en donnant, à grande échelle, un résultat similaire peut être considérée comme valable…
Le problème est que souvent, ils tentent en vain de faire entendre leur voix.
Difficile en effet d’opposer le savoir scientifique à une croyance sectaire, la rationalité à la peur, l’obéissance aveugle à ce qu’on nous présente comme une protection face au risque inhérent à toute forme de liberté… Difficile aussi d’aller à l’encontre des médias, lesquelles ont, de toute évidence, choisi leurs combats.
Que l’on évoque la crise mondiale du Covid ou l’appréhension du changement climatique (qui a généré une politique énergétique hallucinante !), on ne peut que s’interroger sur ces bouleversements anthropologiques fondamentaux dont on a pu mesurer les dérives durant la pandémie, en constatant que l’on repart dans les mêmes délires sur le dossier climatique.
Progressivement, la façon de penser la place de l’homme dans le monde, le sens de la vie, la perception de la mort, le rapport à la liberté et au temps se sont modifiés en profondeur et sans doute irrémédiablement. Nous vivons à présent dans l’immédiateté et les échanges rapides avec une impatience accrue. Cette célérité dans nos réactions, alliée à la peur qui est sciemment distillée et savamment entretenue, oblitère souvent la réflexion, le recul et plus grave encore, le cheminement nécessaire à toute forme de maturité.
Aristote le théorisait : « la nature a horreur du vide ».
Dans nos sociétés occidentales le recul de la foi en un Dieu, entité supérieure qui nous dépasse et que l’on doit craindre, qui accompagne le progrès a finalement permis à des théories politiques pseudo-scientifiques de s’ériger en dogme. In fine, il semblerait que l’homme (5) ait besoin de se rassurer en pensant que son obéissance à une Règle, non plus divine mais édictée par des « sachants » auto-proclamés, peut agir sur le monde.
Or cette pseudoscience à qui l’on fait dire ce qu’on veut a ceci hélas de commun avec Dieu qu’elle n’admet aucune limite (et aucune contestation !) en fonctionnant sur le même principe : si les résultats sont bons, c’est parce que les citoyens ont été vertueux, s’ils ne le sont pas, c’est parce qu’il y a eu désobéissance, et nous assistons à notre châtiment.
Invérifiable, donc imparable.
Nous avançons, en ce XXIe siècle, dans le fantasme de l’omnipotence, dans un vertige délirant consistant à croire que l’on pourrait être en mesure de tout maîtriser. L’humain se modélise en démiurge, pense qu’il agit quand il subit et s’enivre d’une illusion de pouvoir. Épidémie, changement climatique, et même genre de l’espèce humaine, rien ne doit plus nous être imposé par la nature : nous partons orgueilleusement de l’idée qu’il nous appartient de décider de tout, d’empêcher ce qui doit être et même de tout (re)créer à notre convenance.
Jusqu’alors, nous avions d’une certaine manière préservé la quintessence de ce que Rousseau appelait l’état de nature, un état pré- moral qui ne connaît ni le bien ni le mal, et fixe implicitement non pas des limites, mais au moins des garde-fous. On naissait masculin ou féminin, on admettait la fatalité de la mort, l’évidence qu’il fallait un homme et une femme pour donner la vie, l’idée peut-être aussi que la nature obéit à des lois, et qu’il nous faut être humbles, comme le sont les marins respectant les règles intangibles de la mer.
Arriver à conclure que cette ivresse de puissance censée nous affranchir de toute transcendance -et donc nous libérer-, nous enferme dans des schémas de pensée réducteurs engendrant au passage une multitude de nouvelles normes et en conséquence la privation de beaucoup de droits individuels est assurément une impasse épistémologique.
À force de repenser la place de l’homme dans le monde, nous sommes peut-être en train d’édifier un monde où l’homme peinera à trouver sa place.
Pourtant, un avenir harmonieux ne passe assurément ni par la punition, la privation ou le renoncement, ni par la soumission ou la contrainte. Il trouve son chemin dans l’adaptation intelligente, réfléchie et innovante face aux défis qui s’imposent à nous, si nous savons faire preuve de courage en chérissant notre liberté.
Encore faut-il pour cela admettre que nous ne sommes pas omniscients, que notre histoire porte en elle les preuves de notre faillibilité et que la remise en question se veut incontournable et salvatrice pour toute démocratie.
Sans doute devrions-nous y réfléchir sérieusement et sincèrement, car nous sommes en train de perdre l’humilité nécessaire – au sens philosophique du terme, c’est-à-dire qui ne peut pas ne pas être – à toute forme d’apprentissage et de sagesse.
« L’humilité est le contrepoison de l’orgueil » écrivait Voltaire.
Et c’est une vertu indispensable, car sans elle tout vrai progrès nous sera, à terme, irrémédiablement confisqué.