Carpe diem
Carpe diem… « Cueille le jour » écrivait le poète latin Horace. Ce précepte inspira Ronsard dans ses sonnets au XVIe, puis fut traduit par Leconte-de-Lisle au XIXe… Il conviendrait peut-être de se le réapproprier aujourd’hui.
Nous avons depuis quelques années abordé un virage civilisationnel où l’on ambitionne de tout contrôler, de légiférer, encore et toujours. Plus rien ne doit être laissé au hasard, à la chance, à la vie et à ses aléas. L’homme prétend tout maîtriser, dans tous les domaines. Victime d’une sorte de vertige de l’omnipotence et de l’omniscience, il s’arroge le droit de tout, faisant souvent fi de ses devoirs envers sa propre liberté.
Ce faisant, il œuvre in fine contre lui-même et contre ses propres intérêts.
Du réchauffement climatique à l’incapacité de concevoir un enfant en passant par la façon d’appréhender une pandémie, tout lui incombe et tout doit plier à sa volonté. Le message est clair : il est responsable de tout (la terre obéit-elle à des cycles de réchauffement ? les scientifiques répondent par l’affirmative, mais tant pis : on considère que cela est exclusivement de notre fait et que nous inverserons la tendance à coup de lois). Il veut tout, quitte à en négliger la bioéthique avec des conséquences que l’on peine à mesurer à terme.
Quant à la pandémie du Covid 19, le message est clair : on vise le risque 0.
Manque de jugement, de sagesse et d’humilité.
Car le risque 0 n’existe pas, et prétendre l’inverse est aussi débilitant que mensonger. Moult messages relayés sur les réseaux sociaux montrent que beaucoup de gens n’osent plus sortir de chez eux parce qu’on les terrorise à longueur de journée. Ne pas écouter les appels angoissés des psychiatres qui alertent sur le nombre grandissant de suicides est criminel. Nous aurons toujours des contaminations, nous aurons toujours des morts. Si peu soient-ils, c’est bien sûr à déplorer. Mais la voiture tue aussi. Refusons-nous pour autant de nous déplacer en automobile ? Le cancer est souvent lié à une mauvaise alimentation, à trop de sucre, de graisse, d’alcool ou de fumée, sommes-nous alors vertueux en tous points dans notre façon de nous nourrir et de consommer ? Des études réalisées sur les ondes montrent aussi leurs possibles répercussions sur la santé… Supprime-t-on le wifi ? On a amené progressivement les populations à considérer qu’un épisode passager de notre histoire – comme l’humanité en a pourtant connu d’innombrables ! – va s’inscrire dans le temps pour une durée effroyable et que nous sommes en danger de mort de façon permanente.
Le masque en extérieur n’a aucune justification scientifique. Il est imposé quand même dans les grandes villes où l’on déplore déjà une forme de déshumanisation.
Et oui, porter un masque est loin d’être anodin.
Ce n’est pas dans notre culture. Nous sommes des latins, tactiles et chaleureux. Nous avons besoin d’empathie, de communication. D’autres peuples possèdent cette tradition du masque et s’y adaptent très bien, parce que justement leur culture prône une plus grande distance sociale. On ne se touche pas pour se saluer, on ne doit pas embrasser un enfant, etc. Nous ne changerons pas ce qui fait notre quintessence. La conséquence de ces obligations toujours plus contraignantes est que nous aboutissons à une société dépressive, où les gens n’ont plus envie de sortir, puisqu’ils ne peuvent désormais être eux-mêmes qu’entre leurs quatre murs. Le port du masque a effacé tous les sourires, au propre comme au figuré. La chaleur rend le masque étouffant. On entend parfois mal ce que disent nos interlocuteurs, les conversations deviennent fastidieuses. L’autre est devenu une menace, puisqu’on me répète à longueur de journée qu’il peut potentiellement me tuer. Pire, je suis peut-être moi aussi un criminel, puisque je peux contaminer -et donc assassiner ! – mon voisin.
Cette psychose déconstruit complètement le tissu social et économique, au risque de plonger notre pays dans un abîme profond et durable. Les générations passées, je l’ai déjà écrit, ont montré leur courage. Elles sont sorties, fusil au poing, pour défendre notre liberté au prix de leur propre vie. Nous aliénons aujourd’hui cette liberté si chèrement reconquise, pour une hypothétique peur de mourir. Honte à notre manque de courage ! Qu’attendons-nous pour nous lever, sortir et écouter notre soif de vivre ?
Carpe diem, que diable !