Betty’s family

La pièce d’Isabelle Rougerie et Fabrice Blind qui se joue en ce moment au théâtre La Bruyère avec Véronique Genest, Patrick Zard, Isabelle Rougerie et Stéphane Bierry mérite le détour. Le propos démarre sur une soirée banale d’anniversaire organisée par Clarisse, la sœur aînée de Lisa. Leur mère, Betty, que l’on ne verra pas, est atteinte de démence sénile ou d’Alzheimer. Le ton monte lorsque l’aînée explique à sa cadette qu’elle envisage de placer Betty qui vit avec elle et son époux et que Lisa devra payer pour moitié la maison médicalisée. Cette soirée réunit aux deux soeurs l’époux de Clarisse et le meilleur ami de Lisa, laquelle attend aussi son fiancé.

Des répliques qui font mouche, une salle qui rit de bon cœur, l’énergie des acteurs, tous très convaincants, tout concourt à nous faire passer un moment drôle et pétillant. Toutefois, Betty’s family aurait pu se contenter de n’être qu’une comédie de boulevard, dont la noblesse n’est plus à défendre. Il se trouve que c’est aussi une pièce plus profonde qu’il n’y paraît. En prononçant le titre, on peut sans doute y entendre aussi « bétise family »… Et la famille n’est-elle pas en effet le lieu où naissent les névroses, où s’élaborent les rôles qu’on nous assigne pour toute une vie ? Lisa l’avoue sans détour « on me voit inconséquente, immature et égoïste, je vais m’employer à demeurer telle que les gens me voient ». Là est peut-être la clé de l’écriture de cette pièce : elle est construite sur les faux-semblants. À l’instar de l’aïeul à la tête folle, chaque personnage a déserté le réel pour s’évader dans un imaginaire qui le rassure et se réinventer un monde plus convaincant où l’on ne licencie personne, où l’adultère n’existe pas, où l’on aime et où l’on est aimé… Et c’est là où les auteurs emportent totalement l’adhésion du spectateur. Car si cette respiration pleine d’humour nous interroge, elle nous fait du bien. Les répliques, certes cinglantes, sonnent juste. Betty’s family colle au plus près de la vie. Les personnages y sont dramatiquement et incroyablement humains. Ils vont oser ce que chacun de nous rêve de faire : ils tombent le masque !

Pour parvenir à être enfin eux-mêmes.

Imparfaits, révoltés, mais aimants.

Véronique Genest, énergique et flamboyante, donne la réplique à Patrick Zard, Isabelle Rougerie et Stéphane Bierry qui ne s’en laissent pas conter et campent leurs personnages avec sensibilité et aplomb.

Et la force de l’écriture d’Isabelle Rougerie et de Fabrice Blind est de montrer que, si compliquée que la vie puisse être, chacun y a bel et bien sa place.

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