Covid 19 : Adieu aux adieux…

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« On écrit pour intensifier notre existence, la rendre supportable et plus infinie, pour goûter par deux fois à la vie » disait l’écrivain Anaïs Nin. C’est très vrai. Cette phrase me revient car précisément, j’écris ce soir pour tout l’inverse.

Pour endiguer un trop plein d’émotions et rendre en effet l’existence plus supportable après cette journée effroyable où j’ai été heurtée de plein fouet, et doublement, par la mort. Par celle de mon père dans un premier temps, et par l’amputation de toute cérémonie d’adieux ensuite.

J’ai sa mort au fond du cœur et la mort dans l’âme face à ce manquement.

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville

J’ai attendu son cercueil sous la pluie comme si le sinistre voulait s’ajouter au sordide. Masquée et vêtue de noir… Impression d’être dans l’une de ces gravures retraçant les ravages de la peste qui frappa notre pays en 1720. Perdre mon père à cause d’une épidémie me paraît d’un autre âge…

Et c’est le nôtre.

Dans mon sac à main, l’attestation prouvant qu’il y aura bien ses non-obsèques aujourd’hui… J’ai traversé Paris pour ces quelques minutes de recueillement au Père Lachaise, cet instant furtif que j’ai l’impression de voler à la loi.

Les mots sur les maux, toujours. Cercueil se dit « coffin » en anglais. J’étais confinée dans mon appartement et lui coffiné dans un entrepôt à Rungis depuis le 15 de ce mois. Et nous sommes le 29… S’amuser des sonorités, faire de l’humour noir. Jouer, s’évader de ce cauchemar. Exercice singulier dans ce contexte, mais on ne se refait pas. S’il y a ne serait-ce qu’une occasion de sourire, surtout ne pas la laisser s’échapper. Une journée où l’on n’a pas ri est une journée perdue.

Tout plutôt que des représentations mentales abjectes. Tout plutôt qu’une colère que je sens latente, prête à sourdre.

Je lui récite Baudelaire… Spleen… Cela m’aide à canaliser mes émotions et à les maîtriser. C’est aussi un hommage que je lui rends. Dans notre silence désormais éternel, notre dialogue se poursuit. Je lui parle, je le remercie et je me souviens…

Les gens ne meurent que si l’on cesse de les aimer. La poésie est un voyage entre le visible et l’invisible ; un langage qui établit des correspondances secrètes entre les êtres, par-delà la mort et le temps.

Bernard s’est endormi pour toujours à la clinique du Val d’Yerres, dans la même violence absurde que celle décrite par Rimbaud.

Il était mon père adoptif ; il sera désormais mon dormeur du Val.

Sa mémoire brille à jamais en moi.

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