La polémique Yann Moix
« A 50 ans, je suis incapable d’aimer une femme de 50 ans. Je trouve ça trop vieux. Par ailleurs, je ne sors qu’avec des Asiatiques». Récemment, les déclarations du chroniqueur Yann Moix ont déclenché une vaste polémique, générant une avalanche d’articles et de réactions sur les plateaux de télévision, ainsi qu’un déferlement sur les réseaux sociaux, au point que le hashtag #YannMoix est demeuré en TL une bonne partie de la journée. L’interview donnée au journal Marie-Claire eut lieu à l’occasion de la sortie de son dernier livre intitulé « Rompre », dans lequel l’auteur imagine un dialogue avec un ami à qui il se confie, entre autres sujets, sur l’amour, sa dernière rupture et ses désillusions.
Cette polémique étonne pour trois raisons.
La première relève d’une ultra-réactivité face à ces propos. Que Moix ait voulu choquer pour assurer sa promotion, créer l’évènement et faire parler de lui est sûrement vrai. Pourtant, si on prend le temps de se pencher sur le contenu de sa déclaration, elle n’engage que lui. Il ne dit pas « les femmes de 50 ans ne sont plus désirables, car elles sont trop vieilles », ou bien « les femmes blanches ou noires ne sont pas séduisantes », non. Il affirme que lui, Yann Moix, ne désire que des Asiatiques dont l’âge n’excède pas trente ou quarante ans et rend hommage au corps féminin de vingt-cinq ans. Où est l’outrage ? C’est sa conception du désir, elle lui appartient, elle ne stigmatise pas nécessairement une catégorie de femmes. La polémique aurait-elle pris ces proportions s’il avait affirmé préférer les brunes plutôt que les blondes ? On voit que l’opinion est bien apte à s’enflammer et recherche la stigmatisation d’une minorité derrière chaque déclaration.
Une seconde réflexion s’impose devant les réactions de certaines quinquagénaires visiblement heurtées à l’idée qu’elles ne pourraient plus séduire Yann Moix. À 50 ans, j’ai passé une très bonne journée en dépit de cette fracassante annonce. Car si le chroniqueur n’est pas intéressé par les femmes de 50 ans, pour des raisons qui lui appartiennent, je n’ai vraiment jamais été séduite, pour tout un tas de raisons également respectables, par Yann Moix. Par ailleurs, il est amusant de constater que les femmes célèbres ayant réagi sur le sujet étaient déjà disqualifiées depuis leur plus jeune âge, pour n’être pas d’origine asiatique ! Des millions de femmes vivent parfaitement heureuses sans Yann Moix. Relativisons le préjudice subi par son ostracisme !
Enfin, la troisième évidence qui s’impose est justement celle qui n’a jamais été soulignée et qui me semble la plus importante. Beaucoup ont dénoncé la muflerie, la goujaterie, l’inélégance de Moix alors qu’il a cru être honnête, probablement. En revanche, personne n’a souligné que son inélégance venait surtout de son impudeur à révéler ses orientations sexuelles, de cet exhibitionnisme qui fait de nous, à nos corps défendant, des voyeurs. « La pudeur, disait Pagnol, est un sentiment fin, délicat, raffiné ». Ce déballage manque cruellement de finesse et de raffinement. Si un livre est bon, il se suffit à lui-même. Tout ce qu’un écrivain veut ou peut révéler de lui est à lire entre ses lignes. Aucun avenant au texte n’est nécessaire dans une interview. La retenue entretient tout le mystère de l’alchimie de la création dans l’écriture, ce qui en fait sa beauté, sa noblesse et peut-être même sa quintessence. C’est cela que ces déclarations ont réellement mis à mal. Pour le reste, ses propos ne valaient assurément « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ».