Mort de Louis XVI : le Président est-il un monarque républicain ?
Le 21 janvier 1793, Louis XVI mourrait sur l’échafaud. Un épisode marqué du sceau de l’infamie lorsqu’on considère tous les gestes de bonne volonté du roi envers la Constituante, son amour indéfectible du peuple de France et son refus obstiné à faire couler le sang des Français, au risque de sa propre vie. Le traitement réservé à son fils, enfant perdu de l’histoire, relève, lui, de l’ignominie. Mirabeau est sans doute mort trop tôt, qui venait d’établir, dans l’enthousiasme, une monarchie constitutionnelle, laquelle aurait sans doute eu de beaux jours devant elle sans compter l’ambition de quelques-uns, bien décidés à prendre le pouvoir pour eux-mêmes.
Des commémorations et une messe ont lieu chaque année, qui donnent lieu à moult commentaires sur la royauté, le bien-fondé de ces cérémonies et la « monarchie républicaine ». Et c’est sur ce dernier point que nous souhaiterions revenir. Déplorer l’exécution de Louis XVI ne revient pas à être monarchiste et encore moins à rechercher une quelconque légitimité à de prétendus héritiers. Et évoquer l’actuel Président en tant que « monarque républicain » revient à méconnaître complètement le principe même de l’incarnation monarchique. Certes, le cérémonial républicain est calqué en tout point sur celui de l’Ancien Régime. Garde républicaine, parade, ouverture des portes par des chambellans, honneurs rendus au garde à vous, tout le décorum de l’Élysée obéit à un protocole strict et extrêmement codifié où rien n’est laissé au hasard. Toutefois, s’il est le seigneur du château, le maître des lieux n’en est pas roi pour autant. Les arcanes du processus monarchique peuvent se résumer en un mot : « continuité ». « Le roi est mort, vive le roi ! ». Le souverain est le représentant de Dieu sur terre, il est oint du Saint-Chrême. Né d’une lignée prestigieuse, il arrive tout droit du passé et ses ancêtres ont fait la France. Il est un relais, en qui s’incarne l’entité monarchique, comme s’est incarnée l’entité christique en Jésus. Il est le maillon d’une incroyable chaîne et transmettra ce fardeau sacré à son fils qui le perpétuera à son tour. Le roi est le lien entre la terre et le ciel, le fil d’or qui relie les hommes à leur Dieu. Le peuple s’attache à lui, à ses enfants, à sa famille, combat à ses côtés pour défendre le royaume et lui voue allégeance et respect.
À la mort de Louis XVI, on a tranché ce lien sacré avec une brutalité inouïe dont les Parisiens ayant assisté à l’exécution sont à peine revenus. Le silence de sidération qui a suivi le trépas du roi en dit long sur l’état d’esprit de ceux qui ont vécu cette horreur. Par la suite, ni Louis XVIII, ni Charles X n’ont pu renouer ce qui avait été coupé. La France est aujourd’hui une République. Deux siècles se sont écoulés depuis cet acte irrémédiable. Penser qu’un Président élu au suffrage universel peut occuper cette place est un contre-sens absolu. Même s’il souhaite être le Président de « tous les Français », il incarne le représentant d’un parti quand le monarque, dans une monarchie constitutionnelle, est par essence au-dessus de tout clivage politique, puisqu’il symbolise la pérennité du royaume en dépit de ses fluctuations idéologiques. Il est élu pour une durée précise quand le roi accompagne ses sujets tout au long de sa vie ; il est élu seul quand le souverain est entouré de sa famille et de ses enfants, lesquels représentent autant que lui dans le cœur du peuple. L’arrivée du bébé de Tony Blair n’a pas fait vibrer les britanniques comme les naissances des princes royaux qui donnent lieu à des manifestations de liesse dans les rues, comme on pouvait en voir naguère. La vie privée des membres de la famille d’Élisabeth II d’Angleterre passionne bon nombre de gens, y compris dans les pays voisins, quand personne ne s’attache à celle des dirigeants politiques, sinon, parfois, pour s’en moquer. Par essence, le Président élu ne suscite –et c’est hélas de plus en plus vrai depuis une quinzaine d’années– l’adhésion qu’auprès de ceux qui l’ont élu, celle-ci allant même souvent décroissant au fur et à mesure que s’étire le quinquennat.
La monarchie relève du droit divin. Elle est mystérieuse et sacrée. Elle dépasse celui qui l’incarne et lui confère une aura inégalable.
La France a pris une autre voie. Chaque année, ces mêmes questions animent les plateaux de télévision. Certes, en 2021, cela distrait un peu de la pandémie. Mais remettons le débat à sa juste place : penser que cette magie pourrait renaître ou qu’elle peut exister à travers une personne élue pour cinq ans est une méconnaissance de la quintessence monarchique, doublé d’un leurre absolu.
Nous parlons de l’Élysée, pas de Disneyland !